Et de 10 !

19 avril 2001 – 19 avril 2011
Heureusement que je me le répète depuis plusieurs semaines maintenant, que je pense à ce moment depuis plus longtemps encore parce que si je prends tous les doigts de ma main pour arriver jusqu’à 10 (bientôt, il faudrait que j’utilise mes doigts de pied !), ça provoque un drôle de sentiment de se dire que je suis ici depuis tout ce temps.
Shinjuku - Cedric Riveau
10 ans !
L’heure des bilans ?
La question qui m’a été le plus posée (soit environ 50 ou 60 fois par an multiplié par 10, ça nous fait du 500 ou 600 fois !) est la suivante : Pourquoi vous êtes venu au Japon ?
La question qui tue, la question à laquelle je n’ai jamais pu donner une explication claire soit pour ne pas partir dans un soliloque de 2h ou pour ne pas donner une réponse qui provoque encore plus de questions… La question qui tue parce que même dans ma tête – s’il y a des raisons calculables – rien n’est parfaitement défini. (Tiens, on dirait l’histoire de ma vie !)
Ceux qui suivent Color Lounge depuis longtemps (ils sont quelques uns) connaissent une des raisons qui a été évoquée dans cet article. Une raison qui me fait rougir de honte mais qui a le mérite d’être honnête. Une raison que je ne donne jamais lorsqu’on me pose la question. Cependant, il y a une autre raison. Une que je n’ai jamais vraiment fourni, ni ici ni de vive voix sauf à quelques personnes qui se comptent sur les doigts d’une main. Ce n’est pas un grand secret, loin de là, c’est juste qu’il s’agit d’une raison pratique, moins exotique que la précédente.
Je vivais en Allemagne avant de vivre au Japon. Je suis parti d’Allemagne pour le Japon et non de France. J’ai passé une année difficile en Allemagne de la mi 2000 à début 2001. Certes, j’étais heureux de m’expatrier – une expérience que je souhaitais vivre depuis toujours – mais le choc culturel fut violent avec ce pays limitrophe en raison de l’étroitesse de la ville et des gens de cette région. Si j’avais été à Berlin, les choses auraient été bien différentes. Heidelberg est une bourgade de province, peut-être jolie mais bourgade elle reste. Je ne me voyais pas rester. Nadège, une amie du DESS qui rentrait du Japon, m’a fait découvrir le visa « vacances-travail » qui venait de commencer entre la France et le Japon un ou deux ans auparavant. Avec ma compagne de l’époque, nous nous sommes organisés pour l’obtenir et partir dans ce pays, pour voir. Je suis arrivé le premier, le 19 avril.
Je ne rappellerai que brièvement ici une chose que j’ai déjà dite des milliers de fois : l’Asie a toujours été un rêve et elle l’est encore. C’est un aimant qui ne cesse de m’attirer, me fasciner. L’idée de pouvoir donc y vivre me comblait de joie. Or ce pays était (est ?) le seul qui connaissait le système du « vacances-travail » avec mon pays natal. C’est aussi simple que cela. Il est vrai que lorsque j’étais à Paris, je fréquentais souvent et longuement la communauté thaïlandaise et je rêvais de m’installer dans leur pays. Mais pas de visa « vacances-travail » qui est un visa accessible pour tous et qui plus est facilement. Ce fut donc le Japon.

– Et le bilan ?
Par où commencer ?… il y a trop de choses… il me faut jeter mes idées sur le papier comme pour essayer de les organiser. Et en même temps, je les trouve banales. J’ai bien commencé mais ai fini par m’arrêter, les trouvant plates et fades. Pourtant, l’une d’elle m’a paru intéressante car ambivalente : être étranger. Au Japon – ailleurs aussi sans doute – être différent incarne un double monde, des eaux troubles dans lesquelles les Occidentaux nagent, en aval et souvent en amont, en eaux calmes et souvent en eaux tourmentées.
Car ce qui nous distingue nous fait aussi défaut, ce qui nous caractérise nous porte aussi préjudice, ce qui nous avantage nous pénalise aussi.
Dans un magasin, les vendeurs se souviendront de vous plus facilement, dans le métro, des personnes ne viendront pas s’asseoir à côté de vous. On vous sourira quand vous critiquerez le Japon mais on pensera que vous ne pourrez jamais comprendre la mentalité. Tous vos amis vous feront sentir chez vous mais vous serez éternellement différent. On tombera en pâmoison parce que vous êtes né à Paris et on vous harcèlera sur votre lieu de travail parce vous avez souri poliment. Vous serez aimé pour être différent et incompris parce que trop différent. On vous traitera d’individualiste alors qu’on se cachera derrière la masse pour invoquer ses différences. On ne subira pas la pression incommensurable de cette masse mais on restera un objet de curiosioté. Etc.
Mais une chose est sure et certaine, on ne reste pas 10 ans dans un pays qu’on déteste. C’est chez moi ici !

La photo du haut de l’article est ma ville adorée : Shinjuku, prise depuis le toit d’un immeuble à côté de la station Yoyogi.

15 comments

  1. Joli parcours, et jolie petite synthèse de ces dix dernières années au Japon.
    Et merci pour ce blog.
    En espérant lire le même genre d’article le 19 avril 2021 !

  2. Un bilan qui serait plus ou moins faisable dans tout autre pays où physiquement, déjà, on est différent…!
    Et puis, pour le reste, certains vivent plutôt bien ce déracinement et ce nouvel enracinement , d’autres souffrent de cette ségrégation et pas seulement à cause du choix qu’ils ont fait.
    Un long débat tout à fait d’actualité!

    Va y avoir intérêt à faire la fête…10 et 40….

  3. Félicitations, je suis très fier de toi!!
    et quelle magnifique belle photo!! J’adore

    Mo²

  4. Bon anniversaire! Ca y est, le cap des 10! eh bhé! Moi qui n’ai pas encore passé le cap du 1! Pourtant, je tire parfois déjà le même bilan que toi, et ce qui m’inquiète est de ne pas savoir si on peut se lever un matin en ayant marre des désavantages, comme on se réveille un matin et qu’on n’est plus amoureux… Mon histoire personnelle commence comme la tienne, en de nombreux points, j’espère qu’elle connaitra un développement tout aussi intéressant! Chaque chose en son temps, je n’ai trouvé que deux postes pour le moment 🙂
    Je sais que la question « pourquoi pas ailleurs demain? » te titille parfois, mais moi, je préfèrerais que tu attendes encore 10 ans… On n’a déjà pas beaucoup d’occasions de se voir, alors…

  5. Salut Tom et merci. RDV dans 10 ans alors ? 😀

    Brigitte, un débat qui a toujours été d’actualité malheureusement… quant à la fiesta, elle est prévue ! ha ha !

    Merci MoMo ! 😉

    Niwatori, je suis plus critique qu’à mon arrivée et les derniers événements à propos de Fukushima m’ont bien ouvert les yeux sur ce qui ce passait au niveau du gouvernement et des médias… mais pour le pays en lui-même, si je suis plus critique, ça ne m’empêche pas de l’aimer toujours autant.

  6. ah 10 ans !!! un chiffre magique…
    Question bilan : j’ai pas trop fait le mien, la tête occupée à d’autres choses mais on en a assez souvent parlé pour être d’accord sur beaucoup de points à part le point de départ…
    Moi, je n’ai jamais rêvé de venir en Asie, plutôt venue à reculons mais je n’ai jamais regretté ma décision, la preuve avec mon petit garçon maintenant 😉
    Repartir ailleurs ? une question qui est toujours dans un coin de la tête quand on est « étranger » mais contrairement à Niwatori, je ne pense pas qu’on se réveille un matin et brusquement on a envie d’aller voir ailleurs parce qu’on en a marre… il y a toujours des signes précurseurs (que l’on ne veut pas voir peut-être)… comme dans un couple ! 😉
    Bise mon Linou, on resigne pour combien ???

  7. HURRAY!!!!!!!!!
    C’est vrai: 10 ans et 40 ans, hahaha. Et moi, cette anée, 41 ans… Buaaaaaaaaa……..
    Can’t wait to see you again, to give you my best best best & warmest wishes, personally.
    Bravo, et félicitation!

  8. Wow dix ans deja ^^ Felicitations !
    En fait j’aurais une petite question… Pourquoi vous êtes venu au Japon ? 😀
    Blagues a part, je pense que ce qui le plus interessant c’est la seconde partie de ton article, a savoir pourquoi y etre reste. Car on peut se lancer dans quelque chose sur un coup de tete ou un detail, mais pour persister 10 ans dans la meme voie, il faut qu’au dela de l’impulsion initiale on y decouvre de bonnes raisons de de continuer l’aventure 🙂

  9. Salut compagnon d’exil 😉 et bon anniversaire
    Une raison que tu aurais pu invoquer est le coté graphique exceptionnel de l’asie, tant naturel que culturel.
    Passé (euh… ça ne se peut pas? 13 sept. 1989…) 21 ans d’exil de mon coté, non seulement je suis chez moi même si je suis toujours un « étrange »*, je suis devenu un étranger aussi dans ma France natale. Si je m’y sens toujours bien quand j’y passe, j’imagine beaucoup plus facilement émigrer dans l’ouest (Canadien) que de retourner vivre en France.

    Félicitations patron en tous cas :o)

    Gil

    * un étrange: cette expression m’a étée servie dans le centre du Québec il y a quelques années, je l’avais trouvée bien plus adapté que « étranger », dans le sens où les locaux me regardaient comme une bête curieuse, ne comprenant pas mon choix de quitter le doux climat français pour le terrible climat polaire du Québec.

  10. Ha ha, merci pour ton témoignage Christelle. 😉

    Milly,
    Yeah! We will rock my apartment on May 14th! ha ha

    Roland,
    Merci pour ton commentaire. Tu fais partie de mon histoire au Japon car tu es venu au début de ma vie ici. Et comme tu dis, l’aventure continue ! 🙂

  11. Chouette bilan en effet et je ne peux que « plussoyer » ton dernier paragraphe, ainsi que le traumatisme de la sempiternelle question du pourquoi. Tu es donc arrivé un an et trois mois avant moi ; mes 10 ans sont pour juin de l’année prochaine et mon objectif est désormais un visa permanent.

    Sinon, on a tous beaucoup de choses en cours en ce moment, mais ça pourrait être sympa de se prendre un verre ou même juste un p’tit café, non ? ;o)

  12. Bizarre, quand j’ai rédigé mon commentaire, le tien Gil n’était pas encore affiché alors qu’il est écrit plus tôt que le mien… Ca doit être le décalage horaire… hum hum
    Ton message me fait bien plaisir car depuis le temps qu’on se connaît sur la Toile, l’expatriation est une chose qui nous « connecte » malgré la distance.

    Salut Fred,
    Le visa permanent oui. J’en ferai le demande quand celui qui court actuellement expirera en 2013.
    Et c’est pour quand ce café oui ?! 😀

  13. La dernière phrase, j’aimerais pouvoir en dire autant un jour! Take care et à très vite j’espère.

  14. Très heureux anniversaire pour ces 10 années nippones.
    Comme le temps passe…
    Je suis heureuse que tu aies pu réaliser tout ce que tu souhaitais, tout ce qui te tenait à cœur et que cela continuera encore de nombreuses années dans ce pays extraordinaire que j’aime tant.
    Prends soin de toi.

  15. 10 ans et un événement qui te trouve toujours Là, fidèle et bien ancré dans cette vie nippone !
    Petit coup de geule ds un de tes derniers post, mais rien à côté de ce que cette vie semble t’apporter, pas vrai?
    Bon annif quadra !

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