Le vieux Japon – 31 mars

[Il est plus que temps que je reprenne ce journal de voyage de la fin mars ! J’ai laissé trop de temps passé, j’ai été trop occupé, et les jours qui passent inéluctablement n’aide pas à la motivation… Suite du journal de voyage du 29 et 30 mars]

Gokayama – Shirakawago – Takayama

Parlons météo… elle est nuageuse voire grise. Arf…
Dans le restaurant italien (italien?) de l’hôtel, nous attend un buffet pour le petit déjeuner. Très moyen. Bon en même temps, nous n’avons pas choisi cet hôtel pour son restaurant ni même son standing mais bien pour sa localisation dans la ville, pas loin de la gare. Réveillés un peu tard, un petit déjeuner qui traîne et vous partez un peu plus tard que prévu.
Nous allons à Higashi Chayamachi de jour. Nous voulons découvrir ce que nous avons découvert la veille, de nuit, avec son ambiance feutrée et secrète, comme si ces maisons-là cachaient des secrets plus grands encore que ce que toute autre maison pourrait cacher une fois la porte fermée : des invités mystères, des personnes louches, une patronne de maison close, des clients un peu éméchés, une tenancière ou que sais-je encore semblaient se bousculer derrière ces murs dorés, ces vitres éclairées délicatement par une faible lumière intérieure.
Le jour lui aplatit tout ! Le mystère a disparu. L’astre du jour – même derrière un épais rideau de nuages – écrase violemment l’imagination volubile des passants nocturnes. Les silhouettes de la veille ont laissé place aux touristes, aux commerçants, aux livreurs. La magnificence des maisons explose subitement aux yeux, leurs portes sont désormais ouvertes aux chalands. L’idée d’être venus de nuit nous apparait désormais comme brillante et nous nous en réjouissons.
Rue principale de Higashi Chayamachi
Un peu avant la rue principale, l’une d’elle n’a pas que la porte d’ouverte mais tout ce qui donne sur la rue. On devine l’histoire commerçante du quartier, une tradition plusieurs fois centenaire. Un homme nous parle en japonais et par moment en anglais pour nous en expliquer l’architecture. Il est adorable et pédagogue. Bon orateur, il a l’habitude de s’exprimer aux foules et sait passer de la plaisanterie à l’explication avec art.
Nous continuons vers la maison Kaikaro que Noriko veut absolument visiter. Le seuil passé, je la remercie d’un grand sourire. L’endroit semble fascinant. Avec un accueil chaleureux de professionnels de l’hospitalité et du divertissement (il en resterait une cinquantaire à Kanazawa), on visite une maison à l’escalier rouge laqué rutilant, aux murs bleus ou rouges, à la décoration très délicates qui mélange la tradition et la modernité, un jardin exquis et enfin une petite pièce aux tatamis en fil d’or… La boutique de souvenirs m’attrape en vendant – entre autres – des chocolats recouverts de la photo de la patronne. Tellement kitsch que j’en achète sans hésiter. Nous y restons un bon moment à profiter des nombreuses pièces, couloirs tout en imaginant la vie et l’ambiance du soir : un dîner d’entreprise ou de yakuza accompagné de musique et de chants des femmes aperçues deci-delà dans ce petit musée de la tradition de l’agrément.
Juste en face se trouve Hazuka, spécialisé dans les produits fabriqués avec de l’or. Des bijoux à la vaisselle en passant par le maquillage ou les produits de beauté et même les gâteaux ! La feuille d’or est en effet une des grandes spécialités de Kanazawa, cette ancienne puissante cité féodale. En repartant, nous trouvons la même maison de gâteaux que nous avons goûtés la veille. Nous y faisons quelques achats pour la route et pour offrir aux amis. Kanazawa est aussi une destination gastronomique !
Rue parallèle
L’heure de reprendre la voiture est arrivée. Nous nous dirigeons vers Gokayama (la vallée des 5 monts) à une centaine de kilomètres. La météo se dégrade mais ne nous empêche pas de voir les montagnes enneigées vers lesquelles nous allons. Très vite, nous sommes à la montagnes et nous sourions du contraste avec Kanazawa ainsi que d’être à la montagne : le froid, la neige au sol – malgré la pluie qui frappe le pare brise – la route qui sillonne et saigne le flan où nous nous trouvons. Gokayama (五箇山) est en fait une vallée composée de plusieurs villages classés monuments historiques. Le premier qui nous montre ces fameuses maisons est Suganuma (菅沼). Plusieurs gassho-zukuri (合掌造り) sont là devant nous, avec leurs toits typiques, leurs façades uniques. Les toits de chaume ont cette forme afin de supporter le poids de la neige qui tombe en abondance par ici, isolant même certains villages au cœur de l’hiver. Pentus, il font penser aux mains jointes pour la prière d’où leur nom « gassho-zukuri« . Voir ces maisons fabriquées à la main, marqué du sceau du patrimoine mondial de l’UNESCO a bien sûr quelque chose d’émouvant. C’est la première fois que nous en voyons et elles inspirent le respect quand à leur histoire, leur nature. Mais il manque un nous-ne-savons-quoi qui devrait nous couper le souffle. Certes ce n’est pas la Grande muraille, Venise ou Angkor mais l’impact bluffant du lieu n’est pas au rendez-vous… À ce moment de la visite, nous n’avons pas encore compris de Gokayama n’est pas « un » village mais bien une vallée avec plusieurs villages. En observant la carte qui nous est remise par une vendeuse au casque brun de cheveux et au franc parlé – elle a été sculptée par le grand air de la montagne et la rudesse de l’hiver -, nous visualisons ce que voulait dire le guide vert. Il y a plusieurs villages/endroits à visiter.
Direction Ainokura. Au creux d’une route, dans un virage, un panneau de bois de plus d’un mètre affiche « Maison Murakami ». Nous décidons de la visiter. Au milieu d’un village qui n’a rien de typique, cette maison gassho-zukuri est posée là, dans ce virage. Superbe. Après un modeste droit d’entrée, on visite cette bâtisse traditionnelle de 1578, la plus vieille du pays ! Dans un brouillard de fumée, un homme entretient le feu qui chauffe le thé. Nous sommes invités à nous asseoir pour nous réchauffer et boire. Les yeux piquent. Ils piqueront encore, une heure après être sortis de la maison. La suie recouvre les murs et les plafonds. On respire difficilement mais l’endroit est splendide. On peut aller partout, jusque sous le toit, au deuxième étage où sont exposés des objets de culture (il me semble…) Les rayons lumineux des néons sillonnent la fumée qui est encore plus dense en hauteur. Ici déjà, l’impact est plus important même s’il n’y a qu’une maison.
Maison Murakami - Gokayama
Ainokura est mignon, un peu plus isolé dans la montagne. Mais en le voyant, en s’y promenant, l’impression de déjà vu est forte. Là aussi, il manque quelque chose. L’intérêt est le panorama du village. Il faut grimper le flan de la montagne pendant 10 minutes pour avoir une vue d’ensemble. Avec la neige qui reste encore un peu, c’est assez beau. Complètement enneigé sous le soleil, ce doit être autre chose. La nuit aussi ! La météo continue de se dégrader… nous n’avons pas de chance mais décidons quand même d’aller à Shirakawago toujours à l’esprit l’idée que nous avons déjà vu. La météo achève sa course vers le déluge.
Derrière les vitres perlées de pluie de la voiture, nous laissons échapper des « Oh » et des « Ah » de surprise. Les yeux écarquillés, nous sommes saisis par la beauté du lieu. Voilà ce que nous cherchions. Voilà ce qui nous manquait. Shirakawago en impose et vaut largement le détour. Ce village est à faire en premier, en grande priorité. Si on a le temps par la suite, Gokayama et la maison Murakami sont à visiter mais il faut absolument commencer et passer par Shirakawago. J’ai trop écouté un ami guide qui recommandait le premier parce que moins touristique. Certes, Shirakawago est très (très !) touristique mais cela s’explique. Les pyramides ou le Machu picchu ne le sont-ils pas ? La raison est toujours la même : les lieux sont exceptionnels ! Nous sommes contents de le découvrir mais nous pestons contre la météo qui nous empêche d’en profiter ou de nous balader comme nous le souhaiterions. La neige fondue qui a décidé de s’abattre sur la région persiste. Certaines maisons sont imposantes. Il y a même un temple à l’image de l’architecture locale !
rue de nuit à Takayama
Les 90 kilomètres restants jusqu’à Takayama sont désormais notre seule issue quand nous comprenons que nous ne pourrons sortir de la voiture pour visiter Shirakawago. Être à la montagne nous enchante tellement que nous souhaitons prendre la route qui la traverse. C’est oublier la météo qui fait rage. A mi-chemin, un panneau nous avertit : « Route fermée en raison de chutes de neige ». Et ce n’est pas avec la voiture de ville que j’ai que je vais pouvoir traverser le col. Le demi-tour s’impose… direction l’autoroute. À mesure que nous avançons vers Takayama, la météo finit par s’améliorer.
Nous arrivons vers 18h. Autant dîner avant d’aller à l’hôtel qui est en dehors de la ville. Nous cherchons un restaurant qui est noté dans le guide vert et qui semble sympa. Difficile à trouver, nous finissons par téléphoner. Il ne fonctionne que le midi ! Bon… La ville ressemble à un décor de cinéma. On imagine bien les caméras dans ces rues pour filmer des scènes d’époque. Tellement décor que c’est trop rénové. Ça manque de patine mais c’est sympa à visiter. Le pont rouge – malgré la nuit tombé – semble assez beau. Nous partons finalement à la recherche de l’hôtel car il est un peu loin. Quand nous l’avions réservé, il semblait bien agréable avec des bains à essayer absolument. Isolé dans la montagne, nous nous perdons. Nous nous arrêtons devant LA (?) boutique du coin, un marchand d’alcool/tabac, qui est bien embêté pour nous expliquer le chemin car ce n’est pas simple. Même le système de navigation est perdu… Il nous regarde comme si nous étions costumés avec des antennes d’extra-terrestres sur la tête… Ses yeux sortent de ses orbites lorsque je me mets à parler… Il doit se dire un truc comme « Crénom de Diou, c’est qui parle japonais l’étranger ! »
Nous nous retrouvons rapidement sur une route de la largeur de la voiture, qui monte abruptement, dans le noir complet. C’est très impressionnant et Noriko n’est pas du tout tranquille sur le siège du passager. Cela se comprend car si je dérape, la voiture tombe dans le fossé et nous sommes coincés. Bien qu’ayant suivi les explications de marchand, nous ne trouvons pas l’hôtel. N’étant pas loin, je décide d’entrer dans une propriété qui a de la lumière et demander à des locaux. Une femme sort de chez elle en panique, crachant de la fumée dans le froid.
– Mais qu’est-ce que vous faites là ?!
– Ben on cherche l’hôtel parce qu’on a réservé…
– Comment ?! Une réservation ?!
– Ben oui… avec Jalan.
– Ah bon ?! Je vais vérifier cela tout de suite mais nous n’avons reçu aucune réservation !
Trop fort, j’ai quand même réussi à entrer dans LA propriété qui s’occupe de l’hôtel… La femme part en courant et descend en contrebas. Cela signifie que nous sommes les seuls clients potentiels ! Nous sommes plutôt étonnés. Nous attendons 10 bonnes minutes, chaque minute qui passe voit ma main s’approcher de la clé de contact pour partir et éviter de mourir de froid mais au dernier moment, nous nous ravisons pour attendre notre pauvre hôte qui donne l’impression de mettre l’hôtel en marche…
– Mais je ne peux pas vous préparer de repas, il faut encore attendre pour « lancer » l’hôtel : le chauffage, le bain, la chambre, le lit…
– Ok, ok l’interrompé-je. On part, tant pis.
– Je suis vraiment désolée mais nous n’avons reçu aucune confirmation de la part de Jalan.
Dubitatifs, nous repartons vers le centre ville pour trouver un hôtel. Takayama est une destination touristique, ce n’est pas cela qui manque. Nous refaisons une réservation via Internet via le site de Jalan via nos portables pendant le trajet. Quand on arrive dans celui que nous avons fini par choisir, la réception nous attend, ayant déjà reçu la confirmation. L’hôtel est imposant, dans une tour de 13 étages. Il s’agit d’une reconstitution du style japonais avec du mobilier neuf comme fabriqué chez Ikea. Très correct, il propose des chambres propres et pas chères, avec le petit déjeuner et le bain/spa.
rue de nuit à Takayama
À peine installés, nous sortons pour trouver un restaurant… au culot, on se dit qu’on va finir par trouver quelque chose. C’est oublier que nous sommes à la campagne et que tout ferme très rapidement… même autour de la gare, il n’y a rien ou des choses inintéressantes. Dans un magasin de spiritueux, après avoir acheté une bouteille d’umeshu local, je demande à la tenancière si elle peut nous conseiller un endroit où dîner. Gentiment, elle nous conseille une izakaya dans une rue derrière, un peu plus loin. Nous découvrons un endroit très sympa avec une cuisine maison bien gouteuse. Merci madame la tenancière ! L’épisode de l’hôtel raté est finalement oublié. Nous retournons ensuite à l’hôtel pour un bain dans les sources thermales (onsen – 温泉) au 13 étage. Avec une vue sur la ville de nuit, nu comme un ver, il faut s’habituer à cette première… car généralement, nous sommes au niveau du sol, dans ces jardin ou des forêts, dans la montagne. Cette fois-ci, ça donne un côté penthouse-je-suis-plein-d’argent. Evidemment, quand d’autres clients arrivent, ça le fait moins.

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Voici la galerie de photos du 31 mars.

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6 comments

  1. Comme c’est drôle de voir les gassho sous la neige, ça change du soleil écrasant sous lequel je les ai vues…ainsi que le décor gris et hivernal alors que les verts des rizières explosent tout au mois de Juillet!!!
    C’est bon de revoir tout ça en tous cas.

  2. @Réginald
    Oui, ça vaut vraiment le détour. Surtout Kanazawa. 😉

    @René Jean
    Bonjour mon cher,
    Cela me fait bien plaisir de vous « voir » ici.

    @Brigitte
    Un peu de fraicheur avec la neige ? :mrgreen:

    @val
    Ha ha. De rien m’dame. C’est un plaisir ! 😀

  3. Salut Cédric, je suis Ludo, un de tes merveilleux stagiaires en DEF. Merci pour cette balade instructive et rafraichissante. Je découvre tes articles et tes photos avec plaisir et intérêt! Mention spéciale à la vidéo tuto concernant l’umeshu! (Peut-être ai-je déjà mentioné ma passion pour l’umeshu devant toi?) Je viens d’apprendre avec stupéfaction, voire décéption, que l’umeshu était concidéré comme une boisson plutôt féminine. Je propose dès aujourd’hui la création d’une société secrète dont le but sera de hisser l’umeshu au rang de boisson la plus virile de l’histoire.

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