Souvenirs d’Egypte 8/13

Jour 9 – le 31 décembre

De nouveau levé à 6h30… après 6 jours en Egypte et un peu plus de 7 jours de voyage, je commence très sérieusement à tirer la langue… mon corps est fatigué et il me le fait sentir.
Quand je sors de ma chambre à 7h, il n’y a personne. Morsine qui s’occupe de l’entretien, du petit déjeuner n’est pas là car il s’est recouché. Il était sur le ponton à 4h du matin pour accompagner la famille française à l’aéroport. Il finit par arriver pour me préparer un petit déjeuner très frugal et me met en retard. Le chauffeur s’impatiente au bout de la rue.

Le programme du jour est chargé, ce qui n’arrange pas ma fatigue. Il est prévu de visiter la vallée des nobles, la vallée des artisans, la vallée des reines et le temple de Ramses III. Rien que ça ! Ces quatre endroits sont beaucoup moins fréquentés et la plupart du temps, je suis le seul touriste sur le site ou dans la tombe. Le pied !
Cedric Riveau
Après la visite de la vallée des rois la veille, je me dis que plus rien ne peut m’atteindre… qu’après celle de Ramses VI où j’ai entendu mon cœur s’arrêter devant un tel travail d’orfèvrerie décorative et dans un silence absolu, il ne peut plus rien se passer ou presque. Presque… La première tombe de la vallée des nobles, celle de Rekhmire (TT100) n’impressionne pas le touriste blasé que je suis si ce n’est par sa forme atypique, en croix. Hussein insiste auprès du gardien qui est arrivé quelques minutes plus tôt pour nous ouvrir pour qu’il nous éclaire comme à l’ancienne, même s’il y a un système d’éclairage électrique. Ce dernier est éteint pendant ma visite et le gardien installe un miroir pour illuminer le plafond qui reflète délicatement la lumière brute du soleil. Avant de pénétrer dans le lieu funéraire de ce grand vizir, Hussein a testé ma culture générale pour savoir si je me souvenais comment les hommes de l’époque s’éclairaient pour construire toutes ces tombes, que ce soit ici ou dans les autres vallées. L’électricité étant éliminée d’office, on pense d’abord aux bougies. Grave erreur, ces dernières noircissent tout de leur suie grasse… pas de flamme donc. Au moment de donner ma langue à mon chat égyptien de guide, l’image d’Indiana Jones dans Les aventuriers de l’arche perdue (Et oh merde ! J’avais 10 ans à l’époque hein ! Comment ne pas être marqué ?!) surgit dans ma tête lorsqu’il se trouve sur le site de Tanis avec le médaillon de Râ qui concentre la lumière du jour sur l’emplacement de l’arche : le soleil bien sûr !
Juste devant l’entrée, le gardien donc fait refléter les rayons du soleil grâce à une pièce de métal poli fixée sur un socle en bois. Me voilà transporté quelques milliers d’années plus tôt. Les fresques sur les murs sont sublimes. Je découvre de nombreuses scènes du quotidien de l’époque avec le travail des artisans, le rituel des offrandes, des animaux… La taille humaine de l’endroit, ces peintures murales rendent ces murs émouvants et je m’y attache plus que je ne l’aurais cru.
Lorsque je découvre la tombe du maire de Thèbes : Sennefer (TT96), à nouveau, mon cœur s’emballe comme la veille devant les merveilles que je découvre partout sur les murs, du sol au plafond. J’ai bien compris, pendant que nous nous y rendons, qu’il s’agit d’un des sites préférés de Hussein et je comprends pourquoi une fois à l’intérieur. L’interdiction de prendre des photographies me frustre terriblement. Une fois ressorti, Hussein le voit très vite et négocie avec le gardien de cette tombe. Celui accepte si je n’utilise pas le flash… et bien évidement en échange d’un bakchich… je ne résiste pas et m’en donne à cœur joie ! Les murs irréguliers donnent encore plus de vie aux fresques, les formes géométriques utilisées me remuent, la représentation symbolique du Nil est troublante, les portraits de Sennefer systématiquement accompagné de sa femme, couple très uni et aimant représenté quatre fois sur chaque colonne, sont émouvants… j’ai du mal à ressortir de cette tombe même si elle est très basse et ainsi plus étouffante. Encore une nouvelle tombe qui restera gravée dans ma mémoire, comme celle de Ramses VI la veille. Cela ne s’arrête donc jamais…
Cedric Riveau
Pour passer dans la vallée des artisans, Hussein me demande si je préfère marcher ou prendre la voiture. J’ai l’excellente idée de vouloir me promener et nous traversons une partie complètement désertique entre les deux endroits. Nous sommes au milieu des restes des maisons des artisans. Même si je me dis que des centaines (des milliers ?) de personnes ont été déplacées pour des besoins touristiques et archéologiques, je ne peux m’empêcher d’être éberlué par ce qui m’entoure : des vestiges antiques ! Je piétine littéralement des milliers de bouts de poteries et il suffit de se pencher pour les ramasser. Par moment, on trouve des tas sans très bien savoir pourquoi. Entre les deux vallées, mon expérience Indiana Jones est multipliée par deux avec les fouilles archéologiques qui se déroulent devant moi. Les Égyptiens, le chef de chantier, le responsable des fouilles, la vieille table et la chaise en osier… c’est absolument énorme ! Sans forcément chercher le médaillon du bâton de Râ, j’ai les yeux rivés sur le sol et devant tout ce qui me semble être un trésor. Je trouve une pierre étrange qui ressemble à un œuf fossilisé. Si je ne « vole » aucun morceau de poterie, je me dois de ramasser cette pierre qui m’intrigue et m’appelle. (Elle est aujourd’hui sur ma bibliothèque.)
Cedric Riveau
Nous arrivons à Deir El-Medineh – le temple de Ptolémée par derrière. À l’intérieur, nous sommes accueillis par des gardiens de tombes qui se regroupent souvent, n’ayant rien de mieux à faire en raison de l’absence de touristes. Nous faisons une pause pour boire le thé qu’on nous offre. Comme je ne sais pas tenir en place, je vais voir les restaurateurs affairés à nettoyer les fresques d’une des salles du temple. Ce temple est en fait assez joli.
Juste à côté, il est possible de visiter des tombes de chefs artisans. Comme les rois, comme les nobles, ces derniers ont souhaité avoir leur sépulture, du moins pour les plus importants d’entre eux. Sauf qu’ils travaillaient toute la journée pour faire celles des autres et faisaient donc les leurs pendant la nuit, sans éclairage… Là, j’arrête Hussein dans ses explications
Hé oh… arrête ton char là ! Ils faisaient comment tes artisans là ?
De mémoire !
Je vacille… Non seulement ils creusaient pendant la nuit, les rares moments qu’ils avaient de libre mais en plus, ils décoraient les tombes dans l’obscurité la plus totale, de mémoire à force de peindre dans celles des grands ! Je suis sidéré… Si le style est évidemment plus grossier, il n’est limité par aucun code, la tombe d’Irinefer (TT290) avec ses murs entièrement jaunes me touche elle aussi beaucoup. Nous passons aussi par celle de Sennedjem (TT1) aussi très belle. Là encore, Hussein m’émerveille avec l’histoire des artisans et sans doute les premiers grévistes de l’histoire de l’humanité pas forcément pour de meilleures conditions de travail mais pour acquérir le droit de creuser des tombes pour eux, pour les contremaîtres.

Si l’entrée du site de la vallée des reines rappelle celui de la vallée des rois, les tombes sont bien moins impressionnantes. Celle qui doit se visiter, comme pour la tombe de Thoutmosis III, est fermée à moins de débourser 27.000LE et rien que le nom mythique de cette épouse de pharaon fait réfléchir avant de dire non : Nefertari. Ceci dit, on ne débourse pas une telle somme seul et il faut un groupe organisé pour obtenir le droit d’une visite après le chèque. Je ronge mon frein avec les tombes de la reine Titi (QV52), du fils principal de Ramses III Khaemwaset (QV44) et de Amenherkhepshef (QV55), un autre fils de Ramses III.
La première, restaurée par des archéologues italiens à une chambre funèbre somptueuse avec des babouins et des chacals noirs sur fond jaune doré. La seconde m’émerveille pour ses représentations et les détails des vêtements de l’époque. J’ai devant moi un véritable catalogue de mode allant des vêtements aux coiffures en passant par les accessoires. La troisième est dans le même style avec comme clou, la momie du fœtus de 6 mois du fils de Ramses III. Bon, cette momie ne m’intéresse pas plus que cela…

Nous terminons les visites par le temple de Ramses III, aussi nommé Medinet Habu. Je trébuche en sortant de la voiture… je me cogne… la fatigue est bien là ! Le temple cependant me redonne des forces car il est magnifique. Beaucoup mieux conservé que le Ramesseum, il abrite les cartouches les plus creusés qu’il m’a été donné de voir – je peux y faire entrer ma main tendue en entier –, les couleurs sont superbes, le péristyle me donne des vertiges et provoque de nouvelles douleurs dans les vertèbres cervicales, la tête en l’air au milieu des colonnes. Perplexe, je ne peux m’empêcher de faire à remarquer à Hussein que je trouve le style différent… qu’il y a quelque chose de plus fin et de plus moderne dans cet endroit. Le regard approbatif de mon guide me montre que j’ai commencé à retenir les nombreuses heures d’apprentissage de l’histoire égyptienne. Hussein me confirme que la construction est plus récente que Karnak ou le temple de Louxor. Si je suis impressionné, j’aime un tout petit peu moins pour cette raison : c’est trop moderne pour moi !
Cedric Riveau
Dans la voiture, je m’affale sur la banquette arrière. Vraiment je n’en peux plus. Je demande à ce qu’on me dépose dans le centre afin que je puisse me reposer sur la terrasse d’un restaurant que j’ai repéré. Je donne rendez-vous à mon chauffeur deux heures plus tard pour qu’il me ramène à la maison.
Je trouve Chez Omar et me mets dans le jardin. Il n’y a pas un seul client. Certes, il est encore tôt mais à nouveau, je serai le seul de la journée. La nourriture est très moyenne. Le propriétaire, bien plus en forme que moi, m’indique fièrement l’immense pancarte au-dessus de l’entrée Le guide du routard en voyant mon livre sur la table. Il m’urge de les contacter pour dire combien je suis content de l’endroit et attirer ainsi des clients… mouais…

En arrivant, j’avais repéré un souk bien plus typique que celui à côté du temple de Louxor et décide de m’y enfoncer… je marche et me perds complètement. Une attention relâchée couplée à une fatigue importante et parce que je suis ravi de cette plongée authentique, je ne surveille pas mon chemin… j’arrive au bout et pense trouver des repères en tournant à droite. Que dalle ! Je suis nulle part ! Je commence même à être un peu inquiet car un homme en deux roues me tourne autour et me propose de l’aide. Je n’ai pas confiance et le rejette mais je l’aperçois plus d’une fois par la suite. Je finis par tomber sur un axe routier et demande mon chemin vers la gare. Personne ne parle anglais. Je pars dans une direction puis dans une autre. La fatigue ne s’est pas arrangée entre temps. Je croise un homme relativement jeune en costume et l’aborde aussitôt. Il parle anglais et me regarde avec de grands yeux quand je lui dis que je souhaite aller à la gare à pied. « Mais vous êtes fou, c’est beaucoup trop loin ! » Mais jusqu’où ai-je bien pu aller ?… Il m’ordonne de prendre un bus local parce que ça ne coûte rien. Sauf que je n’ai pas un sou sur moi… la honte. Il me donne 50 piastres de bon cœur et suis très touché par son geste. La somme est tellement ridicule que cela ne lui pose aucun problème.
Cedric Riveau
Je découvre les transports locaux. Trop fort ! Ambiance boîte de nuit avec un éclairage coloré au milieu de papys égyptiens qui discutent sans même me voir, à des milliers d’années lumière de penser qu’un touriste puisse les accompagner dans ce moyen de locomotion. Après plus de cinq minutes de trajet à vive allure, je suis à la gare et dois prendre le passage souterrain pour retrouver mes repères. J’ai eu beau chercher par la suite, avec un plan, jusqu’où j’ai pu me rendre : impossible à trouver.
Le pire est que je ne suis même pas en retard pour mon rendez-vous avec mon chauffeur. J’ai même le temps de passer à ma pâtisserie préférée pour déguster l’autre loukoum repéré la veille et me promène une dernière fois.

Mohammed m’attend à la maison pour discuter avec moi à propos des événements de la veille, faire un bilan de mon séjour à la maison mais j’avoue ne pas avoir le courage de rester longtemps. En ce 31 décembre, réveillon du Nouvel an 2014, je me couche à 22h30 et m’endors aussitôt, sans réaliser mon passage dans la nouvelle année.

Bonnes adresses :
Chez Omar – restaurant – Youssef Hassan square, Louxor – téléphone : 095/2367678

Liens intéressants :
The ban mapping project qui recense toutes les tombes découvertes avec leurs informations et leur plan. Très impressionnant.
Passion égyptienne fait le même travail mais il est intéressant pour les galeries de photographies.

Galerie
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