Souvenirs d’Egypte 2/13

Jour 3 – le 25 décembre

C’est Noël ! Ah bon ?
La rencontre avec Le Caire de la veille n’a absolument rien à voir avec les quartiers historiques visités ce jour-là. J’ai découvert une ville historique et qui regorge de trésors architecturaux.

Je prends mon petit déjeuner vers 8h30 avant d’attaquer le musée égyptien qui se trouve sur la place Tahrir. Magdi a tout préparé et je peux me faire une idée du nombre de clients dans l’hôtel Osiris. Il y a huit couverts pour un endroit qui peut en contenir le triple… les clients ne se bousculent pas. Rien d’extraordinaire à manger, juste de quoi se remplir le ventre dont un fromage blanc salé que j’aime beaucoup.

Dans les rues, sur le chemin du musée, je retrouve quelques visages découverts la veille. Sur la place, devant un blindé beige de l’armée au milieu d’une rue fermée au public, je fais un signe au militaire qui a les mains sur la grosse mitrailleuse en lui montrant mon appareil photographique. Il me fait non du doigt.
Devant les grilles provisoires de la rue qui permet d’accéder au musée, je me fais arrêter brusquement par un homme en noir, un policier qui me demande froidement mon passeport. Il faut dire que je passe sans me poser de question, tellement peu habitué à de telles mesures de sécurité à côté desquelles, celles des aéroports sont une partie de rigolade. Tout le monde est contrôlé attentivement et plus encore les Égyptiens qui doivent montrer patte blanche.
Face à ce bâtiment gâteau à la crème d’une époque colonialiste révolue (du moins en Égypte…) je fais un panorama au milieu des sollicitations bien trop nombreuses de guides qui me montrent leur carte pour valider leur présence. L’un d’eux m’agace car je reste devant le bassin à faire mon panorama et à regarder les quelques malheureux papyrus plantés dedans. Il se fatigue avant moi. Un autre qui m’a vu arriver au départ me retrouve dans l’entrée et me propose une visite d’une heure pour un prix que je ne peux même pas négocier n’ayant aucun repère. Je refuse.
Avant de pouvoir entrer, je dois déposer les armes (mes appareils photographiques). Bien malheureux, les photographies à l’intérieur sont totalement interdites et ça ne rigole pas.

L’endroit est grand et l’entrée avec l’étage en mezzanine me fait dire que je vais en avoir pour plusieurs heures avant de ressortir. Sur les recommandations du Routard, je commence justement par l’étage où se trouvent le trésor de Toutankhamon et des millions d’objets en tout genre. Le rez-de-chaussée, lui, est consacré aux sculptures.
Le sentiment de retrouver le Louvre de mon enfance au fur et à mesure que je découvre ses merveilles se fait grandissante. Sauf qu’ici, il n’y a aucune muséographie, il y a de la poussière. Comme dans un vieux laboratoire de biologie abandonné. Me voilà plongé dans les aventures extraordinaires d’Adèle Blanc-Sec dessinées par Tardi. Je guette les momies qui pourraient se mettre à bouger…
La salle des momies justement… La rencontre avec Ramsès II est très très impressionnante. Je suis scotché sur ce visage, ses dents, ses cheveux… et puis toutes les autres qui l’entourent. Alors que je m’attendais à voir des corps recouverts de bandelettes, je vois clairement des têtes, des mains, des pieds. Certes, il y a quelque chose qui dérange dans cet étalage de corps, quelque chose de morbide dans ce besoin de voir mais constater que Ramsès II (le plus emblématique) repose depuis plus de 3200 ans ainsi a quelque chose d’absolument fascinant. Aujourd’hui encore, on n’ignore presque tout de la momification et on est incapable de reproduire un processus que nos ancêtres maîtrisaient déjà il y a plus de 4500 ans. Autour de lui se trouvent Hatchepsout, Thoutmosis III et j’en oublie…

Momie de Ramsès II

Momie de Ramsès II (scan trouvé sur Internet)

La visite commence donc sur les chapeaux de roue.
Dans la salle 24 se trouve le livre des morts, tout aussi mythique que les momies. La qualité et la finesse du travail sont saisissantes. Tous ces hiéroglyphes me donnent envie de recommencer mes cours de civilisation égyptienne. Je me souviens de la spécialiste qui me donnait des cours au Louvre, qui me faisait écrire et qui m’emmenait ensuite dans les salles égyptiennes pour pratiquer ! J’ai bien évidemment tout oublié.
L’autre aspect pour lequel ce musée est connu est bien sûr le trésor de Toutankhamon. Des sentiments tumultueux se bousculent dans ma tête entre fascination, émerveillement et scandale d’une telle débauche de richesses. Quid de tous les artisans qui ont fabriqué tout cela, des sommes investies alors que des milliers souffraient ? Et pour un des pharaons au règne le plus court : 9 ans ! La salle funéraire du tombeau n’a donc pas été pillée (le reste oui) ce qui nous permet de voir tout cela (11kg d’or pour le fameux masque funéraire) et surtout grâce à l’âne de Howard Carter. Il y a tellement de choses qu’il faut plusieurs salles pour tout exposer : le trône peint me décroche la mâchoire, les quatre chapelles de bois doré sont spectaculaires, les bijoux, les vases canopes, le sarcophage… c’est complètement délirant !

Vases canopes de Toutankhamon

Vases canopes de Toutankhamon (photo Charlie Phillips)

La maquette de la scène de comptage des vaches de la salle 27 est touchante, celle des archers nubiens de la salle 37 impressionnante… Les sarcophages d’El-Fayoum avec le visage peint au niveau de la tête sont une vraie découverte… La salle 2 avec le trésor de Tanis qui est digne de Toutankhamon…
Au rez-de-chaussée, la salle du fond dédiée à Akhenaton me marque avec la forme du visage des sculptures du pharaon, très fine, presque féminine, sa femme Nefertiti… la palette de Narmer n’a pas de prix : plus ancien vestige de la civilisation qui m’intéresse, elle date de la première dynastie et présente des figures divines que je vais souvent voir par la suite : Horus, Hator… la chapelle de Hator justement dans la salle 12 avec ses peintures magnifiques, les statues de Khephren et de Kaaper avec ses yeux en pierre dans la salle 42 me transportent, le couple Rahotep et sa femme Néfret dans la salle 32 m’arrache des larmes… Ce musée est complètement délirant, épuisant d’émotions et d’une richesse inouïe qui rendent mes trois ou quatre pauvres heures passées à l’intérieur tout à fait ridicules…

Je rentre rapidement à l’hôtel pour attraper un taxi grâce à Nasir qui travaille avec Magdi. Première expérience de ce transport caïrote et j’ai besoin de repères. Il faut plusieurs essais avant d’en trouver qui accepte de se rendre au Caire islamique de Khan El-Khalili. Je comprendrai plus tard qu’en fonction de l’heure de la journée, ils s’aventurent ou non dans ses coins de la capitale qui peuvent voir des bouchons se former en raison de nombreux goulots et rester bloqués dans un bourbier métallique et sonore éreintant.

Je décide de commencer par la porte Bab el-Futuh qui se trouve au nord du quartier qui m’intéresse. Cette magnifique construction du XIe siècle est imposante. Il y a malheureusement trop de voitures garées devant. Je souhaite me promener dans les rues et visiter plusieurs mosquées. Visite architecturale donc dans cette ville au passé particulièrement riche. Certaines rues n’en sont pas. Elles sont défoncées, barrées d’énormes canalisations qu’il faut enjamber grâce à des planches. Des dizaines de chats qui vivent dehors traînent un peu partout et se nourrissent avec les poubelles qu’on trouve ça et là…

Cedric Riveau

Le magasin de verreries El Daoor

Juste avant de pénétrer dans ce quartier historique du vieux Caire islamique, je passe dans un magasin de verreries qui a aussi un atelier. Tout est éteint. Le propriétaire, fils de celui qui a ouvert le commerce m’accueille et m’explique que plus rien ne tourne. L’atelier est fermé, les artisans chez eux au chômage et le magasin rempli d’objets qui prennent la poussière. Je suis déçu de ne pouvoir visiter l’atelier des souffleurs de verre et triste pour lui qui n’a plus de travail. Je m’aventure tout de même dans la rue en montant un peu plus au nord. Je suis au cœur d’un quartier très modeste et tout le monde me remarque. On vient me voir, on me salue et on me parle ou m’explique la situation quand je m’arrête devant un atelier qui fabrique les parties en aluminium des narguilés. Ils me proposent même de fumer.

Je retourne vers la porte et franchis l’enceinte. Je commence avec la mosquée qui se trouve juste à gauche : El-Hakim, la première du voyage. Belle mais pas mémorable avec une cour intérieure immense qui marque. Voilà bien longtemps que je ne suis pas entré dans un lieu de culte musulman.
Je tombe sur le Lord café shop, une institution avec une activité incroyable. Un groupe de personnes a l’air de s’engueuler mais moi qui viens du Japon, dès que des gens ont un volume sonore différent des Japonais, j’ai cette impression… Comme la consigne du voyage est d’éviter les rassemblements, je reste à distance.
Les rues sont folles d’exotisme. Je suis heureux de me retrouver là, au milieu de ce monde vivant, palpable. Beaucoup travaillent à l’extérieur et l’architecture est fascinante. Je visite une des premières maisons historiques : la Wakala El-Bazaara, l’ancêtre du centre commercial. Au rez-de-chaussée ou au premier étage se trouvaient les salles des magasins et au-dessus les logements. Mon guide pour l’occasion – ils attendent les touristes à l’entrée – m’emmène jusque sur le toit. Je découvre les fenêtres typiques du quartier, de la dentelle en bois tout aussi magique de l’extérieur que de l’intérieur. Le bâtiment date du XVIIe siècle. Sur le toit, on peut admirer le découpage des appartements et une vue sur le Caire en plein centre ville.
Un peu plus loin, encore plus belle, je visite la maison Beit el-Suhaymi. L’émerveillement et le dépaysement continuent à plein régime. Il s’agit d’un ensemble de demeures de nobles et de riches commerçants. Dès qu’on pénètre dans la cour, on est saisi par la beauté du complexe avec des niveaux, des étages et des passages un peu partout. Le sol en marbre de certaines pièces, les plafonds marquetés me donnent mal au cou.

Cedric Riveau

La maison Beit el-Suhaymi

Je continue mon dépaysement vers le sud, les yeux qui balaient tout ce qui passe devant moi et il y a une partie de mon cerveau qui ne réalise pas encore très bien où je me trouve. Je passe par la seconde mosquée du jour : el-Hussein, très fréquentée même en dehors de la prière. Dans le sanctuaire, de nombreuses personnes prient avec ferveur autour du Zahri qui contient la tête du Sultan Hussein. D’un côté les hommes, de l’autre les femmes.
À la tombée du jour, j’entre dans la dernière mosquée : Al-Azhar. Je suis accueilli par Sahid, un restaurateur très gentil mais qui abuse un peu à la fin de la visite pour être payé le plus possible. Là, encore, il profite du fait que je n’ai pas encore suffisamment de repères pour décider par moi-même et avec fermeté d’un bakchich raisonnable. La cour centrale est impressionnante et les trois minarets sont très anciens. Je monte sur le plus haut avec un escalier aux marches aléatoires et dans une pénombre totale. Je suis au sommet au moment du quatrième muezzin prononcé par l’imam dans des hauts-parleurs qui me hurlent dans les oreilles. À l’étage du dessous, nous discutons du pays, du sunnisme, des Égyptiens, des voitures, de la pollution, de son travail, de sa famille… Il se désole devant les voitures qui klaxonnent en contrebas et me sort : « Au Caire, 27 millions d’habitants et 27 millions de voitures ! » Il me raconte l’histoire importante de cette mosquée qui fut longtemps une université. Celle-ci existe toujours mais est à l’extérieur, en banlieue du Caire. Reste qu’on trouve des lectures par des imams un peu partout quand on continue la visite. Ce n’est qu’une fois rentré au Japon que je découvre que j’ai mis les pieds dans un fief important des Frères musulmans. En effet, le 12 janvier 2014, un raid de l’armée a été mené dans cette fameuse université (source).

J’attrape un taxi non loin du souk que j’ai l’intention de visiter un autre jour. Il met le compteur et je suis ainsi rassuré.

Je repasse par l’hôtel où me rejoint Sherif, un Caïrote qui travaille dans la police mais en civil. Il fait partie des forces spéciales et il a effectivement la carrure pour cela. L’homme est adorable et je lui apporte de l’argent de la part de sa sœur qui habite à Tokyo. Il a deux enfants et adore les chiens. Nous allons nous balader un peu dans le quartier et il m’emmène dans le restaurant d’un ami où je peux manger des ma’chi qui me rappellent les feuilles de vigne farcies. Il ne peut pas rester car il habite un peu loin, à Guizah et sa famille l’attend. Sur le chemin du retour, je tombe sur une pâtisserie égyptienne, à côté de l’hôtel. Si les locaux achètent cela au kilo, j’arrive à négocier aux grammes. Déjà avec 250 grammes, j’ai une belle quantité de spécialités trempées dans du miel… je me régale. Voilà ce que je suis venu déguster en Egypte !

Cedric Riveau

Régal du soir…

Galerie
La première photographie est un panorama qui peut nécessiter du temps pour s’afficher. Il y en a plusieurs… si vous avez cliqué une fois sur le côté droit d’un cliché, attendez un peu, le suivant va forcément arriver.

7 comments

  1. Pas de bleu… jusqu’à maintenant. 😉
    Une chose est sûre, l’extérieur n’a rien à voir avec les deux dont tu parles. D’une manière générale, l’extérieur des mosquées que j’ai vues est en pierre et donc de la couleur de la pierre utilisée.
    Les deux dont tu parles sont des oeuvres d’art !

  2. Vraiment passionnant cette visite ! La visite du musée a l’air fabuleuse : 4 heures, c’est à la fois beaucoup et rien du tout vu la description que tu en fais. L’Égypte des pharaons m’a toujours fasciné – tout comme la majorité des anciennes civilisations – et c’est clairement un voyage que j’aimerais faire un jour. Un grand merci pour cette « pré »-visite. 😉

    Vivement la suite !

  3. Marchi Fred !
    Tu n’es pas au bout de tes surprises et émerveillements… je te préviens ! 😉

    Moi aussi, toutes les civilisations antiques me fascinent et mes plus grands voyages : l’Italie, la Grèce, la Chine, le Cambodge…
    Et j’en ai d’autres à faire !

  4. Pingback: Souvenirs photographiques d'un voyage en Egypte - bonnes adresses | Color Lounge

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