Kyushu – Takachiho, Kumamoto – 6 août

Le grand (énorme!) buffet jusqu’à 9h30 nous attend encore bien qu’il soit 9h25. L’immense salle à manger est quasiment déserte. À une table, une famille avec un enfant attardé termine tranquillement son petit déjeuner. Le jeune garçon d’une quinzaine d’années était avec son père la veille au soir dans les bains. Se pavanant dès que son père avait le dos tourné, il plongeait dans les bassins, se mouchait dedans en espérant que je le remarque. À l’extérieur, dans mon bain tropical alcalin, je me prélassais trop pour considérer les bêtises de ce jeune demeuré. À croire qu’il fallait que je le remarque puisque nos chemins se croisaient à nouveau – pour la dernière fois – en ce matin pluvieux.
Trempant nos toasts dans nos boissons, nous contemplons le terrain de golf et le panorama qui s’étend devant nous. Malgré l’absence de lumière et la petite pluie qui laisse des traces sur la baie vitrée, la luminosité de la végétation – ce camaïeu de verts – ne donne en rien un spectacle déprimant comme on pourrait le ressentir dans une grande ville, les jours d’averses. Les joueurs qui viennent ici (sans doute 99% des clients) doivent moins se réjouir que nous.
La journée qui s’ouvre est la plus longue en kilomètres. Nous descendons d’abord dans la province de Miyazaki pour se rendre sur le lieu de la raison principale de ma venue à Kyushu: Takachiho. Il y a plusieurs années, ayant aperçu des photos des gorges de Takachiho lors d’une présentation au boulot, j’avais aussitôt eu envie d’y aller. De plus, l’endroit est légendaire selon la mythologie japonaise. Il n’y a qu’une quarantaine de kilomètres mais en pleines montagnes. Au fur et à mesure que nous pénétrons dans la province, la pluie devient de plus en plus battante. La déprime me gagne. Nous sommes en plein sous le typhon n°8 qui frappe le Japon (et qui fera les dégâts que nous connaissons… 🙄 ). Je le maudits! À un moment, je manque presque de faire demi-tour tellement il me paraît vain de nous rendre dans les gorges si nous ne pouvons pas sortir de la voiture. D’ailleurs, nous ne pouvons pas du tout admirer le paysage. Par moment, des formes noires de monts se distinguent dans la masse cotonneuse et doivent être certainement magnifiques si j’en juge à leurs formes. À peine entrevus, ils disparaissent! Le typhon se déchaîne à mesure que nous approchons du but.
Au moment où nous arrivons pourtant, à l’entrée du parking où le papy-gardien nous annonce que les promenades en barque sur la rivière Gokase sont impossibles en raison de la météo, un rayon de soleil vient nous narguer. La motivation revient mais ne durera pas. Toute la visite se fera sous la pluie, parfois violente. Une misère quand on voit la beauté du lieu. Les gorges et les cascades sont sublimes. Les admirer depuis le bateau – d’en-dessous donc – doit être à couper le souffle! Qui plus est, à la fin de notre visite, le soleil revient nous narguer pour quelques minutes et les rayons qui passent à travers les arbres créent des taches de lumière sur la rivière. Le joyau naturel se révèle à la lumière de l’astre. La rivière, très active en raison des chutes d’eau n’est cependant pas aussi belle que sur les photos. Boueuse, elle n’est pas bleu-vert transparent mais bien beige opaque et dense… Impuissant face à la météo, je profite tout de même de cet endroit que j’espère revoir un jour dans de meilleures conditions. Je n’ai bien évidemment pas de parapluie et nous nous réfugions sous celui de Noriko. Je suis trempé et mon matériel photo aussi. Pour le premier, ça sèche vite, pour le second, c’est déjà beaucoup plus problématique.
La chûte d’eau 真名井の滝 (Manai no taki), le plissé caractéristique de la roche, 神橋 le (vieux) pont des dieux, 鬼の力石 (la pierre du démon de la force) [infos en japonais] sont bien là et j’essaie d’en profiter au maximum, sans pouvoir prendre des photos comme je veux… La force de la nature et la situation du lieu sont effectivement propices aux légendes. Aucun doute!
Le petit fils de 天照 (la déesse du Soleil Amaterasu) – 瓊瓊杵尊 (Ninigi) – serait descendu du ciel sur le Mont Takachiho portant avec lui 八咫鏡 (le miroir de Yata), 草薙の剣 (l’épée Kusanagi) et 八尺瓊曲玉 (le collier de perles de Yasakani) qui sont les symboles de la famille impériale depuis toujours. Celle-ci est supposée descendre directement de la déesse. Nous sommes dans la fondation du pays à laquelle beaucoup de gens y croient dur comme fer. Ça me rappelle les livres du XIV ou XVe siècle en France où les seigneurs faisaient écrire leur histoire afin de prouver leur descendance mythique. Six siècles plus tard, nous sommes un peu passé à autre chose… on doit être trop pragmatique nous autres Français… 🙄
Les gorges de Takachiho
Alors que nous quittons les gorges pour aller visiter le temple de Takachiho, le soleil persiste… Le timing de notre visite des gorges était parfait: exactement au plus mauvais moment de la journée! Je râle! Ceci-dit, au moment où nous entrons dans l’enclos du temple, le soleil fait briller les gouttes de pluie sur les feuilles. La lumière est magnifique et eut été différente sans les perles d’eau qui dansent avec la brise. Au milieu d’immenses pins, le sanctuaire en bois – non peint – est saisissant! Ici aussi, les mythes y abondent et les arbres imposent le respect. Des cordes sacrées (標縄 – shimenawa) avec des papiers pliés (御幣 – gohei) ceinturent le plus vieux d’entre eux ainsi que deux autres, à côté de l’autel, qui forment un couple. Il faut faire face au ciel pour parvenir à apercevoir leur cime. Ce qui me plaît le plus est de voir un sanctuaire sans peinture rutilante. On sent beaucoup plus la patine du temps et dans cette forêt, le lieu se marie parfaitement avec son environnement.

N’ayant pas pu faire le périple sur la rivière, nous avons du temps avant de partir pour Kagoshima et décidons de passer par la ville de Kumamoto pour aller voir son château. De là, nous prendrons directement l’autoroute pour notre destination finale, ce qui ne nous fera pas perdre trop de temps. Nous repartons plein ouest à travers Aso. À la sortie du tunnel qui sépare Aso de la province de Kumamoto, le ciel se dégage complètement. Le temps est magnifique, nous n’en revenons pas. Merveille de la géographie, la barrière nuageuse est retenue sur les régions de Miyazaki et d’Aso. Trop fort! Comme je l’avais ressenti, cette météo va bien avec ces deux zones à la végétations particulière. Désormais, nous retrouvons les forêts fertiles que nous avions découvertes la veille. Le chemin jusqu’à la ville principale nous redonne le sourire tellement il est beau.
La ville est finalement assez importante et le château ne se révèle qu’au dernier moment. Le soleil cogne puissamment et il fait assez chaud. Rien à voir avec la matinée et nous continuons à nous en étonner. De l’extérieur, les murs de l’enceinte ainsi que les bâtiments sont très imposants. Aucun doute, 熊本城 (Kumamotojo) est un des château important du pays avec Himeiji ou Matsumoto. Son origine remonte au XVe siècle. Il fut cependant détruit lors d’un incendie en 1877 lors de la rébellion de Satsuma (西南戦争). Il est donc entièrement restauré et fortifié avec du béton… l’intérieur n’a absolument aucun charme… tout est beaucoup trop neuf. L’ascension de la tour permet d’admirer la collection qui a été sauvée et un panorama de la ville lorsqu’on parvient au sommet. Plus intéressant – mais là encore entièrement restauré pour la visite -, le Honmaru Goten Palace était la résidence des seigneurs. Bien que trop neuf, l’intérieur donne un excellent aperçu de la beauté du décor: impérial! Les salles de réception alignées, les espaces privés avec ses panneaux et plafonds peints, la salle à manger et la cuisine, le palace est imposant. Je suis heureux d’avoir finalement fait ce détour – que nous n’avions pas prévu – pour visiter le château. Vers 17 heures, nous prenons la route pour Kagoshima, à moins de 200 kilomètres au sud.
Le château de Kumamoto
La sortie de la ville est infernale. Les feux rouges se succèdent et sont d’une longueur à faire pâlir un latin! De quoi devenir fou! Proportionnellement, nous passons plus de temps dans les rues de la ville que sur l’autoroute. Cette portion de l’autoroute est d’ailleurs légèrement connue pour sa série de tunnels – 23 au total – dont un qui fait presque 7 kilomètres. Les nuages et des pluies lointaines jouent avec la lumière. Un arc-en-ciel complet nous accueille alors que nous entrons dans la préfecture de Kagoshima. À mesure que nous approchons de la ville, le soleil baisse et jaunie le ciel. L’hymne à la lumière de ce jour se termine en beauté et nous nous réconcilions avec la météo.
De nuit, Kagoshima ne me donne aucune impression. De plus, l’hôtel est à côté de la mairie qui n’est pas le centre commerciale de la ville. Le vieux Dai-ichi hotel – digne de Danse, danse, danse de Murakami – nous propose une chambre qui m’amuse. Tout est parfaitement vieillot, comme l’homme tout sourire à l’accueil au rez-de-chaussée. Notre sentiment sur la gentillesse des habitants de l’île n’a fait que se confirmer depuis le départ. Notre hôte en est encore un excellent exemple comme le personnel du restaurant où nous nous rendons le soir même.
Une des spécialités de la région est le cochon noir. Nous nous rendons donc dans un restaurant avec un bel intérieur pour en déguster. 黒豚百寛 (kurobuta hyakan) ne travaillent qu’avec les premiers prix d’agriculture pour la viande de porc, pour les légumes et pour le riz. Nous commandons un plat complet cuit à la vapeur (むししゃぶ), sur le principe de la fondue. Les légumes, sur lesquels ont pose des tranches de porcs finement coupées cuisent ensembles. Nous pleurons de bonheur. C’est vraiment délicieux! Pour accompagner cela, je prends un verre d’alcool – shochu (焼酎) -, une spécialité de Kyushu et plus particulièrement de Kagoshima à base de patate douce. L’alcool cogne car il est assez fort… Le personnel est donc adorable ainsi que nos voisins, un jeune couple qui travaille pour la même chaîne de restaurants, dans la rue commerçante du centre ville. Quand il me tend sa carte de visite, je lui dis que nous n’aurons sans doute pas le temps de passer car nous avons prévu de goûter un autre plat pour la déjeuner lors de notre dernière journée ici. Ce sera pour une prochaine fois.

À nouveau repus, la balade digestive s’impose. Je souhaite faire des photos de nuit dans le quartier. Malheureusement, en sortant, il pluviote… ça faisait longtemps! Nous décidons de rentrer vers l’hôtel et la pluie s’arrête rapidement. J’aurais préféré le centre mais ce n’est pas grave. Je m’amuse avec la vitesse de l’obturateur et les voiture qui passent sur les avenues du quartier. L’endroit est totalement désert. Il n’y a que nous dans les rues, même autour des convenience stores. Nous sommes en province, inutile de le rappeler. Nous faisons même les idiots dans un parking en jouant avec l’architecture pour la compléter. Notre dernier soir à Kyushu…

Takachiho:

Kumamoto:

Kagoshima:

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Voici la galerie de photos du 6 août.

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7 comments

  1. superbes photos, les verts resplendissent et pourtant la lumière est douce, les teintes presque mates: comment ce pays parvient-il à faire scintiller ces verts? il faut que Véronèse aille baguenauder à Kumamoto!
    bravo Cédric et merci

  2. Lorsque je regarde les photos de ces lieux naturels, je me dis que c’est de ce genre de choses dont je voudrais emplir mes yeux! C’est magnifique, même humide! Cela fait aussi penser aux estampes de paysages.

  3. Merci à vous!
    Désolé de vous avoir fait attendre mais le mois de septembre fut particulièrement dur…
    Encore une journée à publier! 😉

  4. Takachiho fait partie des destinations qui me tentent énormément : tu n’as fait que me donner plus envie encore d’y aller. Merci. 😉

  5. Pingback: Portrait de Tokyo en janvier 2014 | Color Lounge

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